Les TIC, l’enseignement et la notion de compétence

Publié 8 mars 2006 par ginettelavigne

Une série d’auteurs, des professeurs, enseignants ou formateurs, psychologues, maîtres de conférences, directeurs ou chargés d’études, … ont écrit des articles, cela a donné le livre en ligne  : Apprendre autrement aujourd’hui ?

 

Consultation du livre en ligne ou téléchargement de son contenu:

 

Apprendre autrement aujourd’hui ?


Introduction de Jacky Beillerot
Professeur en sciences de l’éducation, université Paris-X-

 

Un livre en ligne Apprendre autrement aujourd’hui ?  qui est issu des 10e Entretiens de la Villette qui se sont déroulés du 24 au 26 novembre 1999, dans le cadre de l’exposition
de la Cité des sciences et de l’industrie « Désir d’apprendre » (23 novembre 1999 – 23 avril 2001).

 

Consultation des chapitres :

Introduction

Comment apprend-on ?

Savoirs et compétences

Nouveaux temps, nouveaux lieux, nouvelles manières d’apprendre

Une école ouverte sur le monde

Pourquoi apprendre ?

Conclusion

 

Note : Il est possible de consulter en ligne ou de télécharger (doc : Word) des textes individuels parmi les chapitres

 

Dans le chapitre Nouveaux temps, nouveaux lieux, nouvelles manières d’apprendre, il y a un texte qui a retenu plus spécialement mon attention:

 

Technologies de l’information et de la communication : vers une virtualisation de l’enseignement ?
Texte de Jean-Marie Sani
Directeur de la médiation, Cité des sciences et de l’industrie

 

Voici brièvement le sommaire que j’ai fait de ce chapitre en espérant respecter la pensée et les propos de l’auteur:

 

Il est dit dans cet article que les TIC sont le résultat de la convergence de trois technologies :

 

·          l’informatique

·          les télécommunications

·          l’audiovisuel

 

« Internet a aujourd’hui concrétisé la convergence informatique-télécommunications, la jonction avec l’audiovisuel est en cours et ne saurait tarder malgré les limitations techniques qu’elle rencontre actuellementNous nous trouvons ainsi face à un nouveau mode de communication qui, par la quantité d’informations qu’il rend disponible et la variété de ses sources, pose des problèmes aux enjeux éducatifs considérables. »

 

À l’heure de l’abondance de l’accès à des ressources tels que le permettent les TIC et Internet, il devient important d’être capable de sélectionner l’information, la critiquer et apprendre à en vérifier les sources. De ce fait, face à ce nouveau mode de communication produisant des quantités énormes et une variété considérable de sources d’informations, de nouveaux problèmes se posent nécessairement en milieu éducatif.

 

Les TIC peuvent jouer trois rôles différents en matière d’éducation et de formation.

 

·          Dans la formation à distance en donnant accès à des disciplines rares ou en permettant le déploiement de la formation en régions éloignées

·          Dans la vie professionnelle où il devient essentiel de maîtriser la technique afin d’acquérir un savoir-faire et l’autonomie

·          À l’école comme outils servant à atteindre un objectif pédagogique comme tout autre support traditionnel le fait en général


En complément d’autres outils, les TIC permettent de poursuivre trois grands types d’objectifs traditionnels de l’école.

 

·          Recherche de l’information

·          Rédaction de synthèses

·          Apprendre à communiquer et travailler à distance

 

Il faut cependant faire attention de considérer les TIC comme des outils d’enseignement parmi tant d’autres et ne pas leurs consacrer la majorité du budget de fonctionnement des établissements scolaires. Les TIC ne doivent pas remplacer tous les outils traditionnels non virtuels et les autres supports de l’information.

 

« On sait aujourd’hui que vivre en permanence dans un univers virtuel peut entraîner des troubles psychologiques de la relation au réel. »

L’appropriation des TIC par les enseignants se révèle difficile pour certains d’entre eux, de plus, il s’établit souvent une compétition avec l’élève. Il faut se rappeler que la spécificité de l’enseignant, c’est avant tout la maîtrise de l’utilisation pédagogique de l’outil et non sa maîtrise technique.

 

La question du remplacement de l’enseignant par la machine ne se pose même pas!

 

« Car aucun système automatique, « moteur de recherche » ou « agent intelligent », ne peut éviter l’intermédiation par l’homme du rapport entre l’apprenant et la source d’information. »

 

Pour l’instant des compétences spécifiques à l’enseignant sont irremplaçables :

 

– concevoir le déroulement de l’activité d’apprentissage et individualiser le parcours ;
– formuler le questionnement de manière opératoire ;
– conduire une méthode de recherche permettant aux élèves d’acquérir les outils   méthodologiques et assurer une vision critique des résultats ;
– reformuler et synthétiser ;
– maîtriser partiellement des contenus ;
– effectuer certains types d’évaluation ;
– fonder la relation pédagogique sur une éthique relationnelle.

 

Voici un passage dans le texte des plus intéressants qui résume en quelque sorte le nouveau rôle que l’enseignant sera appelé à jouer avec l’avènement des TIC:

 

« Dans un nouveau schéma, catalysé par l’arrivée des TIC, la connaissance n’est plus le monopole de l’enseignant : l’information se désincarne, se dissocie de l’enseignant et constitue un troisième acteur dans le dispositif. Cette présence des trois acteurs — enseignant, apprenant et source d’information — bouleverse complètement le schéma relationnel habituel : l’information circule plus facilement et de manière plus équilibrée entre enseignant et apprenant, la plus-value de l’enseignant est plus fondamentalement méthodologique et les interactions entre apprenants sont plus nombreuses. »

On sait que la gestion du changement par le système, tant sur le plan économique qu’organisationnel rencontrera aussi des résistances, citons, par exemple, juste les coûts considérables d’investissement pour équiper les établissements scolaires. Cependant, même si l’intégration des TIC dans le système éducatif peut s’avérer long et dérangeant du point de vue organisationnel, il s’agira pour les enseignants de toujours se recentrer sur leurs compétences, qui elles, ont évolué en même temps que la société.

 

« Il s’agira plus encore que par le passé d’aider l’élève à devenir critique, efficace et autonome face à la quantité d’informations disponibles. »

Et enfin, pour une « juste place » des TIC : l’assimilation.

 

« Les TIC auront trouvé leur place dans le système éducatif lorsque les enseignants auront appris à les utiliser, mais surtout à en maîtriser l’intérêt pédagogique, et quand elles occuperont une place comparable, complémentaire de tous les autres outils que l’école utilise déjà. »

 

Ma conclusion personnelle:

 

Bien que ce texte ait été écrit aux environs des années 2000, il nous démontre l’importance du rôle qu’occupera de plus en plus les TIC en éducation, soit la production expansive de la quantité d’informations rendue disponible grâce à eux et à l’usage de l’Internet. Un bouleversement organisationnel est inévitable, non seulement dans le système éducatif mais dans le rôle différent qu’auront à jouer les enseignants. Ils devront assimiler les TIC, s’en servir comme outil pédagogique, au même titre que les autres supports d’informations. Ils devront aussi faire face à la compétition des élèves qui les dépassent bien souvent en technologie. Ils sont donc appelés à utiliser leurs compétences pédagogiques, à en développer d’autres pour apprendre à gérer ces masses d’informations qui s’ingèrent fatalement dans le système établi.

 

En ce qui concerne les compétences, lire à ce sujet le chapitre : Savoirs et compétences

 

Plus spécifiquement lire le texte de Prisca Kergoat, attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université d’Évry Val d’Essonne ; doctorante à « Travail et mobilités  », Paris-X-Nanterre:

 

SAVOIRS, QUALIFICATIONS, COMPÉTENCES :
ENJEUX POUR L’ENTREPRISE, ENJEUX POUR L’ÉCOLE

 

 

En résumé, voici à peu près ses propos :

 

Le mot compétence n’est pas nouveau, c’est la notion ou la place centrale qu’elle occupe aujourd’hui dans les discours et les pratiques qui est nouvelle, particulièrement dans l’entreprise et à l’école.

 

L’auteure retrace un peu la provenance de cette notion qui est venue avec les premières réflexions sur la formation professionnelle continue des années 50 et montre comment la notion de compétence est entrée dans la définition de la formation, elle cite : Raymond Vatier (1958) : [1]

 

« On peut dire que la formation est l’ensemble des actions propres à maintenir l’ensemble du personnel individuellement et collectivement au degré de compétence nécessité par l’activité de l’entreprise. Cette compétence a trait aux connaissances, aux aptitudes, à la volonté de travailler de chaque personne et de chaque groupe. La compétence est la conjonction heureuse de ces trois termes : connaissances, aptitudes, bonne volonté. Cette compétence n’est jamais définitivement acquise, elle est menacée, elle est toujours à reconquérir et cette reconquête doit se faire parce que le poste change par suite de l’évolution technologique. »

 

[1] Promoteur de la formation en entreprise et personnalité pionnière de la loi de 1971 sur la formation professionnelle continue.

 

Cette définition s’appuie sur trois registres cognitifs : la connaissance (le « savoir »), l’aptitude (le « savoir-faire »), et la bonne volonté (le « savoir-être »).[2]

 

[2] Ces réflexions s’inspirent des analyses proposées dans :
– Roppé F., Tanguy L. (sous la dir.),
Savoirs et compétences, L’Harmattan, Paris, 1994, p. 243 ;
– Tanguy L., « Définitions et usages de la notion de compétence »,
in Suppiot A. (sous la dir.), Le Travail en perspective, LGDJ, « Droit et société », 1998, p. 545-562. (Voir le texte et la provenance de la citation originale)

 

La notion de compétence apparaît dans les textes officiels de l’Éducation nationale dans les années 80 et dans le monde des entreprises en 1990, avec une période marquée par :

 

·          la crise de l’emploi

·          la recherche de nouveaux modèles de production

·          la désyndicalisation

·          l’institutionnalisation de la formation continue

·          la remise en cause de la qualité de l’éducation dispensée par l’école

 

Avec la venue d’un très grand nombre de diplômés sur le marché du travail (80% d’une génération au baccalauréat, une politique dans le but d’endiguer le chômage), cela a conduit l’Éducation nationale à rechercher de nouveaux modes de rationalisation des savoirs pour mettre en correspondance étroite offre de formation et offre d’emploi. L’idée selon laquelle la transmission des connaissances n’est plus le monopole de l’Éducation nationale conduit celle-ci à s’ouvrir sur son environnement et par le fait même à créer:

 

·          des bacs professionnels,

·          des stages en entreprises,

·          des formations en alternance, en particulier par l’introduction de l’apprentissage dans les grandes entreprises.

 

« Aux notions de « qualification » dans le monde du travail, et de « savoirs disciplinaires [3] » dans le domaine de l’éducation, est désormais préférée celle de « compétence ». Cette préférence mérite que l’on s’y arrête, car si tout le monde s’accorde à reconnaître que la notion de compétence (qui recouvre donc savoirs, savoir-faire et savoir-être) se situe entre connaissance et action, l’inflation de ses usages ne permet pas de l’enfermer dans une définition. Notion empirique, la compétence renvoie à un vocabulaire non stabilisé : elle est utilisée indifféremment comme équivalent à « capacités », « aptitudes » ou « habiletés »… Malgré sa polysémie, elle connote un ensemble de changements intervenus dans des domaines scientifiques (psychologie, linguistique, économie, sociologie), mais également dans le monde du travail et de l’éducation. »


[3] La notion de « savoir disciplinaire » fait référence à un corps de connaissances construit ou en train de se construire.

 

Il faut lire la suite de ce texte pour en comprendre les subtilités en ce qui concerne l’ajustement nécessaire des ententes entre les entreprises et les écoles pour bien définir ce que l’on veut produire comme compétence.

 

Voici quelques citations, des passages significatifs que j’ai prélevés dans ce texte : SAVOIRS, QUALIFICATIONS, COMPÉTENCES : ENJEUX POUR L’ENTREPRISE, ENJEUX POUR L’ÉCOLE

 

 

Des savoirs à la compétence

« Que ce soit par le biais de référentiels ou d’objectifs de référence, cette tentative de rationalisation du savoir conduit à ne plus définir les programmes à partir de savoirs disciplinaires mais à partir des situations que les élèves devront être en mesure de maîtriser. »

 

De la qualification à la compétence 

« Tout se passe comme si les compétences, ensembles de propriétés individuelles et instables, devant constamment être (re)mises à l’épreuve, s’opposaient à la qualification mesurée par le diplôme, titre acquis une fois pour toutes. »

« Savoir-être » : des critères de jugements subjectifs

« La décomposition des savoir-être montre que la notion peut tout aussi bien recouvrir des jugements sur ce que la psychologie nomme des « attitudes » (disposition psychologique stable, résistante aux changements, exprimant la structure latente de la personnalité) que des comportements (ensemble de réactions directement observables, découlant des attitudes : expressions, gestuelles, prises de position…). Bien qu’utilisées dans l’évaluation des savoir-être, ces notions ne sont pas clairement distinguées. »

 

Savoir-être et citoyenneté : une restauration de la discipline au travail et à l’école ?

« En effet, d’un côté l’école enseigne les valeurs et les connaissances civiques nécessaires à l’exercice de la démocratie, et de l’autre, elle ne donne pas les moyens aux élèves de l’exercer en son sein : en optant pour un modèle contractuel de régulation des comportements, l’école ne favorise pas, peut-être à tort, les expressions collectives de résistance et de participation à la vie scolaire. »

 

La compétence : vers une recomposition des formes de régulation ?

« Compte tenu de ce qu’est devenu le marché de l’emploi, les diplômes, bien que constituant toujours une référence incontournable, ne suffisent plus à différencier et à départager les candidats. Ceux-ci sont alors invités à démontrer et à valoriser leurs connaissances en situation. Ce sont donc aujourd’hui les entreprises qui, aux côtés de l’Éducation nationale, définissent et valident ces propriétés nommées « compétences », ce qui les conduit à devenir de véritables agents de formation : école et entreprise entrent dans des rapports de concurrence de plus en plus manifestes. »
… «  Dans tous les cas de figures, le glissement opéré entre discipline d’une part et savoir-être ou citoyenneté de l’autre démontre, si nécessaire, que, plus que le travail ou les savoirs, c’est tout un système social de régulation qui tend à être ébranlé. »


En conclusion :

 

Personnellement, ce que je constate, c’est que la suffisance de connaissances jadis maîtrisées par un professeur ne fait plus partie d’un tout global mais d’une partie seulement de sa compétence. Ce dernier est alors appelé à jouer un rôle d’intervenant social aussi bien qu’éducateur pour fournir à l’entreprise des gens capables de coopérer, d’aller chercher des informations et d’être en mesure de les gérer de façon compétente. De leur côté, les entreprises doivent  être capables d’évaluer le plus conformément possible les candidats afin de choisir ceux qui correspondent le plus aux attentes futures d’un type de travail appelé à évoluer dans le temps en fonction d’une collaboration entre individus. Les résultats sont donc très imprévisibles, et de ce fait, l’évaluation du candidat aussi. Dans la notion de compétence qui englobe : savoirs, savoir-faire et savoir-être, qui, de plus, se situe entre connaissance et action, donc mobile dans le temps et impalpable, il y a donc une impossibilité de définition d’un point de vue statique. Une notion également qui se manifeste et se détermine dans l’action continuelle en fonction des aptitudes et de la volonté des participants. De là, tout le dilemme au sujet d’une nouvelle définition de la compétence.

 

Les TIC ont quand même été à l’origine de cette manifestation d’une multitude de savoirs au service des intervenants en entreprises comme en éducation d’ailleurs. Les enseignants n’ont pas le choix de les inclure dans leur pédagogie, il reste cependant beaucoup d’efforts à fournir afin de se les approprier dans le sens où l’on pourra parler d’une gestion de connaissances intégrée au sein d’une formation dans le but de façonner des gens compétents dans un milieu de travail évolutif et coopératif.

Un commentaire sur “Les TIC, l’enseignement et la notion de compétence

  • Un site à découvrir sur La Finlande:
    http://www.info-finlande.fr/Recherche.59.0.html?&tx_oxcsgestart_pi1%5BshowUid%5D=1246&cHash=282ff23fb8
     
    Ce passage nous en dit long sur l\’attitude des Finlandais vis-à-vis les nouvelles technologies:
     
    L’ouverture obligatoire des Finlandais vers le reste du monde est un autre facteur conduisant à la primauté des savoirs. Une fois leur sentiment d’isolement dépassé, les Finlandais sont mus par une authentique curiosité pour tout ce qui n’est pas finlandais, sentiment qui a aidé le pays à s’ouvrir aux idées scientifiques et techniques venues de l’extérieur…
     

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